Dans sa vie Enzo Ferrari a vu sa créature triompher chez les rivaux anglais «garage» jamais trop aimés en Formule 1, à huit reprises, entre le légendaire premier succès absolu du Cavallino, qui porte la signature de José Froilan Gonzalez en 1951 et celui de Carlos Reutemann de 1978, dix ans avant sa disparition. Par la suite, la Rossa s’est imposée à neuf autres reprises, avec trois perles ces quinze dernières années: Fernando Alonso en 2011, Sebastian Vettel en 2018 et Carlos Sainz, dimanche dernier. Gagner sur un circuit historique et prestigieux tel que Silverstone ce n’est pas quelque chose qui peut être classé avec un « Oui mais… ». D’autant plus lorsque vous avez été lavé avec peu de satisfaction pendant des années.
Il ne faut pas oublier qu’entre Singapour 2019 et Bahreïn 2022 se sont écoulés 910 jours, 130 dimanches, 46 GP. Une période sans victoire qui a vu alterner Mercedes, Red Bull, Alpha Tauri, Racing Point, Alpine et McLaren sur la plus haute marche du podium, et une pandémie est apparue sur notre planète. Justin 2020 – il n’y a pas une vie – Ferrari s’était classée sixième parmi les constructeurs (ce n’est qu’en 1980 que la situation a empiré) et n’avait pas terminé même pas un tour dans la tête (comme ce fut le cas en 1992 et 1993).
En un claquement de doigts, grâce à la révolution technique réglementaire, la Ferrari de Mattia Binotto – à peu près avec les mêmes hommes il y a deux saisons – a réussi à mettre une voiture en piste. « Capable de se battre pour la pole et les victoires », comme c’était sous les auspices du début du championnat. Les modifications apportées au règlement cette fois n’ont pas pris l’équipe rouge au dépourvu, contrairement par exemple à 2009 et 2014, à tel point qu’en dix grands prix, Ferrari a remporté sept pole positions et trois victoires avec les deux pilotes et se bat pour les deux championnats contre Red Bull, la seule équipe capable de détrôner Mercedes à l’ère hybride. Clairement, tout ne s’est pas parfaitement déroulé, et aurait certainement pu être mieux fait, mais la majorité des fans se seraient inscrits en 2020 ou 2021 pour se retrouver à critiquer une victoire de la Scuderia.
De plus, la particularité e ne doit pas être négligée le caractère unique de Ferrari, plus important que n’importe quel pilote assis derrière le volant. Quand Charles Leclerc murmurait en fin de course : « Qui suis-je pour critiquer Ferrari ? » a fait résonner au loin les propos du président John Elkann en 2019 : « Les pilotes seront toujours des pilotes Ferrari et l’important est que Ferrari gagne » (adressées aux Monégasques et Vettel au lendemain de l’accident d’Interlagos) ou celles de Luca Cordero di Montezemolo en 2010 : « Je ne fais que répéter ce que j’ai toujours dit et que nos pilotes le savent très bien et doivent s’y conformer : ceux qui courent pour Ferrari savent que l’équipe passe avant les intérêts personnels « (suite à la fameuse demande de vente de la position à Felipe Massa pour favoriser Fernando Alonso en Allemagne). Des philosophies qui puisent leurs racines dans celle du fondateur Enzo, qui après Imola 1982, dans la reconstruction faite par son fils Piero, s’est tourné vers Gilles Villeneuve comme suit : « Je te comprends humainement, mais à Imola la Scuderia a fait un doublé, je ne peux pas reprocher à ton coéquipier d’avoir gagné ». Et Enzo Biagi, qui a eu le privilège d’interviewer Ferrari, a noté : « Cela ne lui convenait pas qu’en cas de victoire, l’essentiel du crédit revienne au pilote ».
Mattia Binotto s’est retrouvé à gérer le Grand Prix de Grande-Bretagne après une séquence de six victoires consécutives pour Red Bull malgré quatre pôles Ferrari. Avec la sortie de la Safety Car et avec les deux pilotes en tête, la décision du mur a été de diversifier les stratégies »pour ne rater aucune occasion »considérant qu’un éventuel double arrêt au stand aurait accordé la première place à Lewis Hamilton, avec le risque réel de « perdre la course», reprenant les propos du directeur de l’écurie Ferrari publiés dans le communiqué lundi soir. Le choix a été fait qu’une Ferrari puisse gagner le Grand Prix de Grande-Bretagne, et une Ferrari a remporté le Grand Prix de Grande-Bretagne.