Avec ses 4361 mètres reliés par 14 virages, le circuit du nom de Gilles Villeneuve fait partie des grandes classiques du calendrier. La Formule 1 continue de jongler avec des pistes aux caractéristiques diamétralement opposées, esquissant à chaque fois de nouvelles thématiques sur lesquelles se concentrer afin de reconstruire la croissance des poursuivants derrière Red Bull. Le circuit canadien va répondant aux caractéristiques de Ferrari, qui peut espérer un podium. Précisément à cause de l’affinité de l’usine de Montréal avec le SF-23 cependant, un éventuel résultat positif ne serait pas nécessairement le symptôme d’un Red guéri de ses maux. Au contraire, chez Mercedes Toto Wolff prédit un week-end difficile sur un type de piste pas du tout favorable aux W14 en ce début d’année. Le GP du Canada se présente donc comme la meilleure occasion d’évaluer à quel point la nouvelle direction de développement comble réellement les lacunes de Mercedes.
Piste Stop&Go
Le Canada est une piste pleine de lignes droites, incitant les équipes à courir avec des configurations aérodynamiques à appui moyen-faible. Reste que les vitesses moyennes attendues par tour de qualification ne sont pas particulièrement élevées, comprises entre 215 et 220 km/h, voire inférieures aux 230 km/h de Barcelone. Ce chiffre est la conséquence naturelle d’un circuit qui alterne de longues lignes droites avec des sections plus lentes précédées de freinages brusques. Montréal est réputée pour avoir un freinage très serré, avec des disques et des plaquettes atteignant des températures très élevées. Ce n’est pas un hasard si Brembo y croit l’une des pistes les plus exigeantes pour le système de freinage, avec une sévérité de 4 sur 5, une utilisation de 16% du temps et une charge de pédale cumulée en course équivalente à 67 tonnes, parmi les plus élevées de la saison. La Mercedes 2023 du début d’année souffrait surtout d’une mauvaise stabilité au freinage, qui est plutôt une qualité fondamentale à Montréal.
Le double podium à Barcelone est sans aucun doute un signe positif pour l’équipe Brackley, mais il le serait encore plus pour confirmer sur une piste qui montrera à quel point la nouvelle direction de développement guérit efficacement les maux de la voiture. Andrew Shovlin a expliqué comment les mises à jour de Munich ciblent, entre autres, un améliorer la rotation de la voiture en entrée de virage côté freinage sans perdre trop d’adhérence à l’arrière. La disposition des suspensions avant a été revue à Monaco précisément pour réduire le mouvement de tangage, c’est-à-dire l’inclinaison naturelle vers l’avant de la caisse au freinage, qui en soulevant la partie arrière du soubassement provoque une perte de charge. Juste le bas a également été mis à jour à Monte Carlo, recherchant une sensibilité aérodynamique inférieure à mesure que les hauteurs du sol varient.
Comme toujours, après chaque freinage, un redémarrage brûlant s’ensuit, où les qualités de traction et la stabilité de l’essieu arrière ressortent. Jusqu’à présent, Mercedes s’est trouvé plus à l’aise sur les pistes limitantes pour l’avant, comme les Melbourne et Barcelone renouvelés, alors qu’il a définitivement eu du mal avec l’arrière instable sur des circuits comme Bakou et Bahreïn. Toto Wolff prévoit un autre week-end de souffrance au Canada, mais d’autant plus que ce sera la meilleure occasion d’évaluer la qualité du W14 renouvelé.
Compromis mécanique-aérodynamique
Outre la stabilité au freinage et à la traction, la troisième qualité centrale qui ressort à Montréal est franchir les chicanes. Cette opération réunit la réactivité dans le changement de direction et la capacité à digérer les vibreurs en les attaquant agressivement. Au Canada il arrive que les équipes vont légèrement sacrifier l’aérodynamisme de la surface, adoucissant la raideur du groupe suspension au détriment de l’efficacité de l’effet de sol, en profitant toutefois pour un meilleur franchissement des vibreurs.
Ainsi le compromis entre mécanique et aérodynamique est décalé, un domaine où il va sans dire que la référence reste Red Bull. Les yeux se sont particulièrement portés sur la fameuse dernière chicane, où la possibilité de couper le trottoir peut rapporter de précieux dixièmes de tour. Attendre les voitures dehors il y a alors le célèbre mur des champions, un piège fatal surtout pour l’intégrité de la boîte de vitesses. Avec certains coureurs frisant déjà le nombre de transmissions utilisables au cours de l’année, la prudence sera de mise.
En ce qui concerne les pneus, les équipes et les pilotes disposeront des gommes les plus souples de la gamme disponible : C3, C4 et C5. Pirelli prédit que la C5 sera utilisée en qualifications et que les deux spécifications plus sévères seront préférées en course. Avec la complicité du faible niveau d’appui, les prescriptions statiques pour les pressions inflationnistes redescendent: 22,0 et 20,5 psi pour l’avant et l’arrière, respectivement. L’asphalte présente un faible niveau d’adhérence, annonçant une forte évolution de la piste sur le week-end qui pourrait être accentuée par d’éventuelles pluies.
Ferrari à la poursuite du résultat
Il est presque superflu de préciser que les super-favoris de la veille restent les deux coureurs Redbull. Le point d’interrogation n’est pas tant de savoir si le RB19 gagnera, mais de quelle marge, un paramètre indicatif sur les possibilités pour les poursuivants de combler l’écart d’ici la fin de l’année. Sur une piste théoriquement amicale, Ferrari vise à maximiser les points qui peuvent être gagnés. Il sera important pour les fans de contenir leur optimisme dans l’éventualité d’un éventuel résultat positif, étant donné que Montréal est pauvre en virages longs à fort trafic et qui possède des virages de type similaire entre eux, facilitant la recherche d’équilibre. Le prochain grand test décisif pour le SF-23 mis à jour sera la course de Silverstone.
Une autre spéciale observée au Canada sera Aston Martin. Si l’on exclut la vitesse dans la ligne droite, l’AMR23 rencontre une autre piste théoriquement amicale, comme pourtant Barcelone aurait dû l’être aussi, où l’équipe de Silverstone a plutôt fait naufrage. La grande curiosité sera de comprendre à quel point pour l’équipe de Mike Krack ce fut un contretemps en Espagne ou plutôt le signe d’une voiture peinant à suivre le développement incessant de ses rivaux.