Ferrari se rassemble autour de son Emilie-Romagne dévastée par l’inondation, tandis qu’à Maranello l’équipe s’unit pour trouver des solutions aux limites du SF-23. Le Cheval Cabré se montre plus conscient des problèmes de la voiture, alors que le premier mois de championnat a été marqué par des investigations pour savoir où aller et intervenir. La Rossa s’est avérée être une voiture aérodynamiquement efficace dans des conditions idéales, respectant ce qui avait été prévu par les simulations et souligné par la présidence lors de la présentation. Cependant, l’inconstance des performances et les écarts d’équilibrage empêchent toujours le potentiel théorique du projet de se réaliser.
Problèmes interconnectés
Ferrari peut se réjouir d’une voiture qui, selon la configuration de ses ailes, a le potentiel d’atteindre de bonnes vitesses en ligne droite, même sans le super-DRS Red Bull. La lenteur kilométrique reste également encourageante, mettant en confiance en vue de courses comme Monaco. Pour le reste, les Reds ont du terrain devant eux pour rattraper Red Bull dans divers domaines. Le premier est l’appui dans les virages à moyenne-haute vitesse, une lacune qui est surtout soulignée dans des conditions de course avec un plein de carburant et avec les pneus loin de l’adhérence maximale. A cela s’ajoute la difficulté à digérer les vibreurs et autres bosses, du fait d’un comportement mécanique compromis, excessivement mou pour favoriser l’agilité dans les lentes ou excessivement rigide à la recherche d’une plus grande charge aérodynamique. A Miami, la SF-23 a été vue rebondir dans les virages, alors qu’en qualifications elle n’a pas pardonné à Leclerc son passage agressif sur le trottoir.
Enfin, la gestion des pneus en course est encore loin d’être optimale, une lacune qui est cependant aussi une conséquence des autres, compte tenu de l’imbrication de tout dans le système automobile. Les souffrances de Ferrari donc ils ne sont pas simplement dus à son aspect aérodynamique. La mécanique de la suspension et l’équilibre général sont en fait les autres domaines sur lesquels l’attention se concentre à Maranello pour se remettre sur les rails.
Solde ouvert
La balance revient au centre des déclarations des hommes en rouge et explique en partie Les performances fluctuantes de Ferrari depuis le début du championnat. Le comportement en virage de toute voiture est lié à la position de son point neutre, le point idéal qui coïncide avec la résultante de toutes les forces latérales libérées par les pneumatiques. La distance longitudinale entre le point neutre et le centre de gravité détermine la tendance de la voiture à survirer ou sous-virer et intéresse donc au plus haut point les ingénieurs.
L’emplacement du point neutre est affecté à la fois par le centre de masse de la voiture et son centre de pression. Le premier dépend de la répartition du poids entre les essieux avant et arrière, à environ 45 et 55 % respectivement, avec un réglage maximum de ± 1 % autorisé par la réglementation. Le centre de pression est au contraire la référence de la résultante des forces aérodynamiques, donc de la répartition de la charge entre les essieux avant et arrière. Cependant, les deux points ne sont malheureusement pas constants. En conditions de course par exemple, en influençant l’équilibre, la charge de carburant augmente la pertinence du centre de masse que celle de la pression. A l’inverse, les forces aérodynamiques sont de plus en plus importantes à mesure que la vitesse augmente, devenant quatre fois plus intenses à mesure que la distance est doublée.
S’il y a trop de distance entre les deux points, il en résulte un équilibre trop volage difficile à gérer pour le pilote. On a ainsi un comportement qui à haute vitesse, domaine dominé par les forces aérodynamiques, est loin de celui à bas kilométrage où la mécanique est la maîtresse. De plus, en conditions de course, l’augmentation de poids due au carburant contribue à éloigner la Ferrari du dimanche de l’équilibre observé le samedi. Le réglage de la raideur de la suspension est une option pour corriger l’équilibre et combler les éventuels déséquilibres. Cependant, les effets ne sont pas toujours cohérents entre la réactivité d’entrée et la stabilité sur la route, ainsi qu’entre l’effet mécanique et aérodynamique de la surface, à tel point que Leclerc parlait de changements soudains d’équilibre même à l’intérieur de l’arc de la même courbe. Les ajustements de suspension peuvent également atténuer un survirage ou un sous-virage excessif dans une condition spécifique. Cependant, à mesure que le type de virage et la vitesse changent, la variation des forces aérodynamiques génère de nouveaux déséquilibres.
Le Fonds de Miami
Comme cela arrive toujours dans le cas d’une couverture courte, le manque d’équilibre peut être masqué sur les pistes qui ont des types de courbes similaires les unes aux autres. Le meilleur week-end de Ferrari à Bakou, une piste composée à 90% de courbes à angle droit, en est une petite confirmation. Jeddah a également des virages similaires, pour la plupart rapides et larges. L’Arabie saoudite avait été l’une des pires Ferrari de l’année, mais après la course, Vasseur a déclaré que le problème à cette occasion n’était pas l’équilibre.
Miami, avec sa grande variété de virages à rayon large et court, à débattement élevé et faible, a pleinement exposé les limites de l’équilibrage du SF-23. En début d’année, Leclerc évoquait un bilan trop ouvert sur les F1-75 de la saison dernière, terme qui revenait dans les mots de Jock Clear lorsqu’il décrivait les problèmes des Rouges actuels. En effet, Vasseur a annoncé une nouvelle ligne de développement qui vise à la fois à faire de la Ferrari une voiture moins nerveuse et sensible aux conditions extérieures, mais qui vise aussi à modifier son équilibre, sacrifiant une pincée de charge absolue.
Le nouveau fonds mis en place à Miami vise à boucler l’équilibre trop changeant du passage du haut au bas débit. Il y a des raisons de le croire aussi la nouvelle suspension arrière, rumeur pour les prochaines courses européennes, va dans ce sens. Le nouveau fond, en plus d’être géométriquement différent, devra travailler à différentes hauteurs du sol et angles d’attaque pour rapprocher le centre de pression de celui de masse et ainsi fermer l’équilibre. Cependant, la vision globale n’est pas perdue pour les modifications mécaniques et aérodynamiques. La réduction de la sensibilité au vent, à la rugosité de l’enrobé et aux conditions extérieures reste un autre objectif prioritaire. De plus, le SF-23 ne peut que bénéficier d’un groupe de suspension capable de stabiliser le fond pour générer des charges aérodynamiques, sans toutefois compromettre l’absorption des bordures et l’adhérence mécanique à basse vitesse. Vasseur et les pilotes ont été clairs : la Ferrari 2023 est une voiture avec un bon potentiel, avec des pics de charge élevés atteints cependant de manière erratique et imprévisible. Le but sera d’élargir la fenêtre de fonctionnement, pour lui permettre d’exprimer son potentiel maximum dans toutes les conditions.