C’était en 2016 lorsque Mahle a dévoilé les principes du système de combustion TJI, un acronyme pour Allumage à jet turbulent, c’est-à-dire l’allumage par jet turbulent. Il s’agissait d’une solution développée spécifiquement pour les moteurs Ferrari, qui a permis un bond en avant considérable des performances, comblant partiellement l’écart technique par rapport aux unités Mercedes, fortes d’un concept très similaire depuis l’aube de l’ère turbo-hybride. La conclusion du récent triplé de courses en Belgique, Hollande et Italie permet d’approfondir encore le discours relatif aux moteurs 2026, dont la réglementation reste assez ambiguë vis-à-vis des philosophies de combustion proches du TJI. En effet, malgré l’augmentation de la puissance électrique, une partie conséquente des recherches portera sur le moteur thermique, pour tirer le meilleur parti du nouveau concept de carburants alternatifs. Or, si certaines dispositions du règlement technique semblent défavoriser les stratégies de combustion instantanée, d’autres encouragent au contraire précisément cette voie.
Avant même de s’aventurer dans les plis de la réglementation 2026, un retour en arrière s’impose pour se plonger dans la combustion TJI. Elle prévoit la présence d’un seul injecteur de carburant par cylindre, une limite imposée par le règlement technique qui interdit également les stratégies d’injection indirecte. Une fraction minimale du carburant injecté, de l’ordre de 2 à 3 % de la charge totale, se déplace par gradient de pression à l’intérieur d’une préchambre de combustion, obtenue à travers une « paroi » construite autour de la bougie, donnant vie à un mélange relativement local riche, c’est-à-dire avec une abondance relative d’essence par rapport à l’air présent. L’agent de combustion dans la chambre principale, en revanche, atteint une composition nettement plus pauvre, la quantité d’air prévalant sur celle de l’essence, donnant lieu à un mélange particulièrement homogène. La décharge électrique de la bougie enflamme le mélange riche à l’intérieur de la préchambre, dont l’explosion pousse des jets de plasma dans les petits trous le long de la paroi intermédiaire. Ces jets se propagent ainsi radialement à l’intérieur de la chambre de combustion principale et leur haute température enflamme le mélange pauvre présent dans le cylindre. Par rapport à une combustion traditionnelle, où un seul front de flamme se propage de la bougie du centre vers l’extérieur, dans le TJI les différents jets enflamment la charge en plusieurs points au bord de la chambre de combustion. Il en résulte de nombreux fronts de flamme, capables de se propager simultanément et de couvrir tout le volume du cylindre en des temps plus courts, raccourcissant les temps de combustion. Une telle rapidité garantit qu’une plus petite quantité de chaleur est dispersée vers les parois, alors qu’il est possible de se rapprocher davantage d’une combustion à volume constant, beaucoup plus efficace qu’une pression constante telle que celle d’un cycle Otto normal. Enfin, la possibilité d’utiliser un mélange pauvre dans la chambre de combustion réduit le risque de détonation, permettant d’augmenter le taux de compression du cylindre avec des avantages significatifs en termes d’efficacité.
La combustion totalement ou partiellement spontanée, qu’elle soit sous forme de TJI ou dans d’autres déclinaisons, garantit ainsi une augmentation significative du rendement thermique de sorte qu’à carburant injecté identique, celui-ci étant limité par la réglementation, il en résulte une puissance dégagée plus importante. En 2026, cependant, le taux de compression maximal, paramètre indiquant à quel point les pistons compriment l’agent de combustion à l’intérieur des cylindres, passera de la valeur actuelle de 18 à 16. Claudio Lombardiancien directeur du département moteur de Ferrari, a souligné à quel point cela pénaliserait les bénéfices apportés par une combustion de ce type et la possibilité de créer des stratégies encore plus extrêmes qui se passeraient de la bougie : « Quant au taux de compression limité à 16, il ne pénalisera pas selon moi les moteurs actuels, mais plutôt il pénalisera le développement des moteurs dits à allumage par compression et à charge homogène, des développements qui seraient importants. La charge homogène permet une combustion déclenchée par la bougie, qui devient spontanée au-delà de certains niveaux de puissance et ce sont des développements sur lesquels se penchent différents centres de recherche, car le rendement augmente fortement. Tout cela est cependant lié à des taux de compression vraisemblablement supérieurs à 16, c’est pourquoi cette recherche est bloquée. C’est un peu une contradiction, étant donné que la préchambre est accordée dans le règlement, sur lequel il semble n’y avoir aucune limitation de volume ou d’autres aspects. J’ai donc examiné attentivement cela dans la réglementation et même avec un taux de compression limité, il ne semble pas y avoir de limites à la taille, à la forme ou au nombre de trous dans la préchambre ».
La réglementation 2026 semblerait ainsi décourager ou du moins limiter le potentiel de recherche sur la combustion à inflammation spontanée. En revanche, d’autres innovations ne manquent pas dans la nouvelle législation qui sembleraient encourager des stratégies alternatives aux stratégies traditionnelles. « D’autres restrictions sont l’injecteur unique fabriqué pour tous par le même fournisseur, avec la seule liberté en ce qui concerne les trous de l’injecteur lui-mêmesoit la bougie d’allumage unique par cylindre, avec une bobine fournie par la FIA et une énergie de décharge maximale de 80 mJ», souligne toujours Lombardi. Net d’un injecteur standard, la liberté est donc laissée d’aménager les trous de buse, directement liés à l’atomisation du carburant injecté, son mélange et sa migration dans les différentes chambres de combustion. D’autre part, la pression maximale du système d’injection passera des 500 bars relatifs actuels à 350 bars relatifs. Le changement le plus important concerne cependant la bougie, car l’article 5.12.1 établit un tournant important. Alors qu’actuellement jusqu’à cinq décharges par cylindre sont accordées pour chaque cycle moteur, permettant une meilleure maîtrise du développement de la combustion depuis l’allumage jusqu’à son extinction, à partir de 2026, il sera limité à une seule décharge. La nouvelle réglementation, en revanche, n’exprime pas la possibilité de moduler l’intensité de la décharge, émulant ainsi plusieurs allumages, mais limite l’énergie totale pouvant être déchargée de chaque bougie à chaque cycle à 80 mJ.
On comprend donc comment entre la pression d’injection, le taux de compression et l’utilisation de la bougie la gestion de la combustion sur les prochains moteurs va sensiblement changer. En revanche, l’utilisation de plus en plus économe de la bougie semblerait se placer dans la position d’une régulation qui tend à s’appuyer davantage sur des dynamiques d’allumage alternatives, comme la combustion totalement ou partiellement spontanée. Laisser l’utilisation de la bougie libre n’aurait cependant pas affecté l’exploitation de la préchambre, au contraire, cela aurait souligné ses avantages en accélérant encore la combustion, comme toujours souligné par Lombardi : « Tout cela limite la recherche, même pour la partie électrique, car la bobine étant la même pour tout le monde, le développement du moteur thermique est fortement limité. Plus la bougie fournit d’énergie, plus le noyau de combustion initial se développe rapidement, avec des avantages. Permettre la liberté dans le développement de bobines d’une énergie telle qu’elles réalisent une décharge d’allumages multiples avec une énergie considérable fait partie des recherches, mais à partir de 2026, elles sont limitées puisque l’énergie maximale sera imposée à 80 mJ. Par contre, la véritable combustion est celle de la préchambre, qui est en fait une superbougiemais un éclairage avec une énergie plus élevée conduirait également à des avantages avec la préchambre ».
L’énergie limitée à la bougie se combine ainsi avec la réduction du débit de carburant, les limitations du taux de compression et de la pression turbo pour limiter la puissance du moteur thermique, de manière à compenser l’augmentation de la partie électrique. Globalement, il est difficile de comprendre à l’avance quelles seront les stratégies de combustion en 2026, qu’elles soient traditionnelles ou innovantes et de plus en plus performantes. C’est un verdict qui devra encore attendre quatre ans.