La Ferrari en 1990, elle s’était retrouvée à se battre pour le titre mondial avec Alain Prost, épaulé par l’excellente monoplace baptisée 641 F1 et dessinée par John Barnard. Outre l’épilogue sportivement tragique de cette saison de course, dû à l’accident entre Prost lui-même et Senna à Suzuka, la voiture du Cheval Cabré avait impressionné par ses excellentes caractéristiques techniques et ses performances sur la piste. La 641/2, c’est son nom, n’était rien d’autre qu’une évolution plus puissante de la 640 de 1989, la première monoplace de l’histoire à faire ses débuts en course avec une boîte de vitesses semi-automatique commandée par un interrupteur à bascule au volant.
Ferrari 642
Barnard, qui avait affiné le projet de l’année précédente, a cependant quitté l’équipe de Maranello en 1990 pour s’installer à Benetton et son travail a été hérité par une équipe de techniciens formée par l’ex McLaren. Steve Nichols c’est oui Enrique Scalabroni. Le technicien américain venu de Woking avait été le créateur avec Gordon Murray de la célèbre Honda MP4/4 de 1988, l’une des monoplaces les plus victorieuses de l’histoire de la F1. Par conséquent, les conditions de construction de voitures compétitives ne se sont pas détériorées du tout après le départ du directeur technique anglais à Enstone. Un destin similaire à Barnard plutôt qu’à Scalabroni lui-même, qui a également quitté Ferrari à l’été 1990 après avoir tracé les lignes de la monoplace pour 1991. L’équipe s’est donc retrouvée dans une situation technique délicate suite au départ de deux précieux ingénieurs, alors que la machine 91 était encore en gestation. Nichols, un Américain de l’Utah, arrivé à Maranello en 1989 succédant ainsi à Alain Prost passé de McLaren à Ferrari, décide de développer davantage le projet de base lancé par Barnard fin 1988 au vu des bons résultats obtenus jusque-là.
Ainsi est née la 642, dont les différences étaient en fait minimes et concernaient principalement les spoilers dus aux modifications de la réglementation et du moteur 12 cylindres. Dans ce cas, l’électronique fournie par Magneti Marelli a été renouvelée pour garantir une meilleure livraison de puissance, pour adoucir la brutalité avec laquelle elle a été mise à la terre par le puissant moteur Maranello. Comme la Ferrari 641/2, la 642 a déjà évolué lors de la troisième course à Imola, avec des pontons latéraux allongés à l’arrière et un airscope à section augmentée. Le manque de compétitivité du modèle par rapport à la concurrence était relevé par les techniciens dans l’aérodynamisme désormais dépassé : en effet, la configuration à nez relevé, lancée par Tyrrell environ un an plus tôt, commençait à s’imposer. Ceci, comme nous le verrons plus loin, a incité Ferrari à construire une nouvelle voiture qui se distingue par les initiales 643. Une machine à la carrosserie profondément modifiée, selon le museau retroussé et par la dynamique interne des fluides qui a elle aussi été largement revue.
Malgré cela, lors de son premier Grand Prix sur le citoyen Phoenix aux États-Unis, le 642 n’a pas du tout défiguré, puisque le vice-champion en titre Alain Prost est monté sur le podium en obtenant le la deuxième place derrière Ayrton Senna dans la McLaren Honda. Pour conforter les convictions techniques de l’équipe, le nouveau partenaire du Professeur, le jeune Jean Alesi, a signé le meilleur tour en course. Cependant, dès la deuxième course au Brésil, les choses ont radicalement changé pour les Reds : les McLaren sont toutes deux montées sur le podium avec Senna victorieux et Gerhard Berger troisième, tandis que la nouvelle Williams FW14 Renault de Riccardo Patrese a terminé deuxième d’entre eux. Les Ferrari ont obtenu la quatrième place avec Prost et la sixième avec Alesi, mais en accusant de gros écarts avec celles qui les devançaient. Lors du Grand Prix suivant à Imola, les 642 n’ont marqué aucun point et même Prost est sorti de la piste dans le tour de reconnaissance en raison d’un aquaplaning et a abandonné. Puis il y a eu un podium illusoire pour Alesi à Montecarlo, obtenu selon la conformation de la piste lente de la Principauté, suivi de deux doublés au Canada et au Mexique. À ce stade, Ferrari s’est retrouvée à la croisée des chemins, également dévorée par des polémiques internes au sein de l’équipe avec Prost et Fiorio alignés dans des positions contrastées et les Turin D qui ont quitté la direction de l’équipe après quelques courses depuis le début du Championnat du Monde. Suite à des problèmes de gestion technique, le 642 est définitivement mis au placard pour faire place au nouveau 643, comme évoqué.
Ferrari 643
La monoplace mise à jour était la dernière et la plus extrême tentative de faire évoluer le projet de base 639 conçu par le désormais « ex » Barnard. Les nouveautés par rapport à l’ancienne 642 résidaient dans l’aérodynamisme avant équipé d’un nez « fourmilier » surélevé, dans les nouveaux flancs et dans le renforcement supplémentaire du moteur V12 de 3500 cm3. Le 643 avait un alésage de cylindre plus grand, une course de piston plus courte et une cylindrée plus petite. Malgré cela, le moteur de la Rossa était plus puissant et la voiture avait un meilleur rapport puissance/poids. Les principales différences avec le 642, visibles de l’extérieur, ils regardaient le museau retroussé pour augmenter sa hauteur par rapport au sol dans la zone précédant l’aile avant et augmenter le débit d’air destiné à l’extracteur arrière. Même les côtés ont été raccourcis et abaissés, suivant la mode du moment. Le 643 était facilement reconnaissable, en raison de la couleur noir de carbone sur les côtés du corps dans la zone du nez et de l’habitacle.
Le nouveau-né a été emmené sur la piste d’Imola pour une séance d’essais, avant d’être utilisé dans le Grand Prix de France. D’abord Alesi puis Prost l’ont conduite, la jugeant globalement meilleure que la monoplace précédente. En fait, la 643 ne résout pas les problèmes de châssis et de fiabilité qui affligent déjà la voiture dont elle est issue : le châssis complexe et les suspensions entrent en crise dans les creux, notamment au freinage, créant des déséquilibres importants pour les pilotes. Les débuts sur la piste de Magny Cours ont montré des performances encourageantes, dues à la surface particulièrement lisse du système transalpin, qui cachait en fait les maux congénitaux de la voiture au Cheval Cabré. Sur les 10 courses disputées, la 643 a tout de même réussi à engranger 6 podiums (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne), mais aussi 8 abandons (Grande-Bretagne, Allemagne, Hongrie, Belgique, Italie, Portugal, Japon, Australie) . Malgré les efforts techniques et économiques déployés par l’équipe de Modène tout au long du championnat, qui a pratiquement produit une voiture et demie en quelques mois, il n’a pas été possible de contrer la puissance écrasante des McLaren Honda et Williams Renault. Le titre mondial est allé pour la troisième fois à Ayrton Senna, vainqueur d’une bataille passionnante avec Nigel Mansell, qui pilotait le fantastique FW14 conçu par Adrian Newey et Patrick Head.
Les polémiques au sein de la direction sportive de Ferrari ne se sont apaisées qu’en fin d’année, à la suite de la licenciement d’Alain Prost, qui avait comparé le comportement du 643 à celui d’un camion à la fin du GP du Japon. Trop pour les leaders des Reds, qui ont torpillé le Français à la veille de la dernière course en Australie. Le triple champion du monde de l’époque a en effet été remplacé par le pilote d’essai Gianni Morbidelli, qui a récolté une bonne sixième place avant que la course d’Adélaïde ne soit interrompue par une violente averse. C’était le chant du cygne du projet 639, qui de l’automne 1988 avec le retour aux moteurs atmosphériques, jusqu’à la fin de 1991 a été développé par Ferrari. La clôture de cette période compétitive a également coïncidé avec le départ de Steve Nichols vers la structure de Peter Sauber, qui s’apprêtait à faire ses débuts en 1993 en F1 avec son équipe. À partir de ce moment, Ferrari a cherché un prompt renouvellement technique avec l’engagement de l’ingénieur transalpin Jean Claude Migeot, celui qui a inauguré la révolution du nez relevé en F1 avec la Tyrrell 019 de 1990. Malheureusement, on le sait, la situation n’a pas connu le renouveau espéré, malgré la tentative de révolution. Mais ça, comme toujours, c’est une autre histoire.
Fiche technique Ferrari 643 F1 1991
Chaussée avant : 1 800 m
Voie arrière : 1.675 m
Rapport poids/puissance : 0,6 kg/ch
Vitesse maximale : 320km/h
Châssis (mécanique) : matériaux composites, monocoque en fibre de carbone
À traction arrière
Embrayage (mécanique) : 3 disques carbone
Boîte de vitesses : Ferrari en bloc avec le moteur, 7 vitesses et marche arrière (commande semi-automatique séquentielle à commande électronique)
Différentiel (mécanique) : autobloquant
Freins : freins à disque en carbone auto-ventilés
Direction : pignon et crémaillère
Moteur : type 037
Non. cylindres et disposition : 12 à V (65º)
Cylindrée : 3 496 cm³
Cylindrée unitaire : 291,3 cm³
Taux de compression : 13,5:1
Refroidissement : liquide
Puissance : ~ 735 CV
Distribution : double arbre à cames en tête
Soupapes : 48
Matériau du bloc-cylindres : –
Pétrole : Agip Petroli
Alimentation (mécanique) : injection électronique numérique Weber – Magneti Marelli
Allumage : statique Magneti Marelli électronique
Suspension : roues indépendantes, triangles déformables, commande de suspension avant et arrière à jambes de force ou poussoirs
Pneumatique : Goodyear
Jantes : 13″ BBS