La vie est un télescope. Ce que vous voyez, et comment vous le voyez, dépend de quel côté vous vous approchez de l’objectif. Il y a un an, voire moins, le résultat de ce GP du Canada aurait été commenté par : Ferrari hors du podium, en quête de compétitivité. Cette fois, j’en suis sûr, la vague de louanges montera. Qui sait si Fred Vasseur pensait à tout cela quand – bien avant le succès du Mans ! – a approuvé le plan logistique qui comprenait neuf éléments dans la communication (apparemment ils sont plus que des ingénieurs travaillant sur une voiture). Maintenant, cependant, sur les étiquettes des uniformes qui lisaient autrefois la tête baissée et les pieds sur terre, il serait peut-être approprié d’écrire un mantra différent : l’eau dans la bouche et le travail.
Mot d’ordre : prudence
Je crois avoir écrit, après l’Espagne, que toutes les nouvelles sur le SF-23 ne devaient pas être jetées. Je pense qu’on a surtout vu quelque chose ce week-end à Montréal, mais cela ne veut pas dire que la fameuse clé du fameux écheveau a été retrouvée. Qui sait ce qu’est un bàndolo, mais assez parlé. En 30 ans de F1, j’ai tout vu, mais jamais de miracle. Tout a une explication. Et l’explication que l’on peut avancer est que tandis que d’autres – Aston Martin notamment – continuent de pousser le chemin de l’aérodynamisme extrême sur les flancs, Ferrari a pris du recul pour avoir une monoplace plus contrôlable. Pris sur une piste à faible appui où l’accélération et le « curb riding », c’est-à-dire les passages sur les vibreurs, comptent plus que l’aérodynamisme pur (et en fait le rouge a gagné mais pas balayé), le rouge s’est plutôt bien comporté. Permettant au mur de mettre en place la seule stratégie de récupération des positions à partir des dixièmes et onzièmes : c’est-à-dire l’arrêt au stand unique sur une piste où la conformation de la voie des stands et la possibilité de récupérer des positions en inciteraient deux. Autre considération : à l’époque des pneus colorés Big Babol, Gilles Villeneuve était une piste aux gommes ultra et méga tendres. Il y a donc que cette fois la dégradation a été contenue. Pour le moment, la rumeur qui a fuité, celle d’une Ferrari qui, comme John Belushi, a vu la lumière et a compris comment faire fonctionner ses pneus, Je pense que c’est plus comme une opération marketing intelligente.
Atouts oui, nouveauté non
Même s’il y a eu (parce qu’il y a eu) une erreur d’évaluation en amont sur les caractéristiques de ces Pirelli 2023, je ne pense pas qu’elle puisse être comprise et résolue en un jour. Cela ne veut pas dire que l’équipe a bien mis en place les travaux, sans évolutions notables mais en poursuivant les recherches sur les structures. Sous cette lumière, aussi le prochain GP d’Autriche semble prometteur. Mais pour avoir une image plus complète, il faudra attendre Silverstone et les charges latérales des virages rapides. « Last but not least », n’oublions pas que les quatrième et cinquième places d’aujourd’hui sont aussi les enfants des malheurs des autres, ou plutôt de l’inquiétant crise involutive par Sergio Perez. Une chute dont pour le moment il n’y a pas de fin en vue.
Vraiment le meilleur week-end ?
Cela a été décrit comme « le meilleur week-end de Ferrari en 2023 », mais n’oublions pas que des signes encourageants ont également été observés à Bakou, un circuit qui a quelques analogies avec le Canada, et puis… De toute façon, un week-end de course dure trois jours et ils sont pas été trois jours parfaits. Vous aurez lu, et sinon, lu la belle analyse de Fede Albano sur l’affaire Leclerc en qualifications. Ne nous attardons pas encore sur le fait en lui-même : ce qui est vraiment inquiétant, ce sont les saccades constantes d’un coureur qui bouleverse le protocole de communication et se défoule devant les micros avant de consulter l’équipe. Plus inquiétant encore est le fait que l’analyse post-Espagne n’a officiellement rien révélé pour justifier le comportement soudain et erratique de la machine. Cela me rappelle Hakkinen 2001, lorsqu’il a fait un tel commentaire sur McLaren, et les mots avec lesquels Jo Ramirez, alors coordinateur de l’équipe, m’a avoué ses craintes : « Espérons qu’ils trouvent quelque chose de cassé, sinon c’est mauvais signe”. En résumé : il y a une confiance à récupérer.
Rien de personnel
Et comment cette confiance est-elle récupérée ? Peut-être avec des personnages et des rôles différents entre ceux qui doivent dire au pilote quoi faire et quand. Les choix se font parfois en une fraction de seconde, le conducteur doit leur faire confiance malgré tout. De Montréal vu Diego Ioverno, un ingénieur de Bologne (surtout dans un sens footballistique) reprendre cette place sur le mur par intérim qui lui manquait depuis fin 2017. Pour le moment les tabourets sont tous occupés mais les post-Mekies période se prépare avec la seule personne actuellement capable en GeS, de bien lire la course et le règlement (attention je ne le dis pas). Diego est l’un de ces Ferraristi qui, en temps voulu, a frappé au bureau vitré de l’ancien directeur de l’équipe avec la même phrase sur les lèvres : Je t’ai fait quelque chose de mal ? On m’a répondu que non, au contraire, mais j’ai besoin de vos ‘compétences’ ailleurs… Ici, laisser de côté les questions personnelles pour évaluer les compétences objectives compte plus, à long terme, qu’une modification des pontons. Avis personnel, bien sûr.