Vingt ans après la mort de Gianni Agnelli sa personnalité ne montre aucun signe d’affaiblissement. Et ses actions continuent de faire l’objet d’appréciations contradictoires. Dont l’effet sent plus l’actualité que l’histoire. Notamment, la difficulté à gérer des personnages aux personnalités fortes mais aux vocations opposées s’est parfois transformée en piège qui a fini par l’emprisonner. L’opposition entre Vittorio Ghidella et Cesare Romiti est déjà dans l’air bien avant ce 18 décembre 1987 lorsque l’avocat Agnelli lors de l’habituelle réunion de fin d’année à Marentino, centre de formation Fiat à 20 km de Turin, décide de désigner son frère Umberto à sa succession et Vittorio Ghidella à celle de Cesare Romiti. Sans imaginer que cette annonce aurait déclenché un conflit insoluble au sommet. Une impasse que Gianni Agnelli décide de dénouer en recourant à deux éléments fondateurs de son personnage : l’intransigeance et l’intolérance. Chez Fiat il condamne, il n’en commande qu’un à la fois. Et le choix tombe sur Cesare Romiti. En réalité, l’histoire jusqu’alors semblait témoigner du contraire.
C’est dualisme systématique, basée sur le concept de « diviser pour mieux régner », pour caractériser la stratégie de gestion du bien. Si bien que des invasions systématiques du terrain se sont propagées du top management à toute l’échelle hiérarchique. Dans le cas de la relation entre Ghidella et Romiti, le différend trouve formellement son origine dans deux visions distinctes de l’avenir de l’entreprise : autocentrée pour la première, diversifiée pour la seconde, qui se traduisent essentiellement par un clash sur le plan d’investissement. La situation est compliquée par le fait que ce dualisme est de nature « secondaire » et dérive du « primaire » qui divise irrémédiablement Gianni et Umberto. L’état de crainte du jeune frère empêche les affrontements directs. L’affrontement passe par un tiers dans une guerre où le sacrifice des combattants est largement attendu et totalement négligeable. Et pourtant, à l’exception de la maîtrise mal tolérée en termes d’investissements, Romiti se tient bien à l’écart de la voiture, quitte à donner à son adversaire l’avantage d’image qui découle du « traitage » d’un produit avec une si grande emprise. sur le marché public.
Pour Romiti, qui représente les positions de l’avocat Agnelli, Décret elle doit tirer ses bénéfices d’activités essentiellement financières et toutes les ressources disponibles doivent y être consacrées. Selon ce point de vue, c’est un gaspillage inutile à réinvestir dans la voiture. La compétitivité sur le marché peut être obtenue plus avantageusement en contenant les prix de catalogue et en se contentant de marges de contribution réduites, voire négatives, qui auraient de toute façon été compensées par les bénéfices de la finance. Pour Vittorio Ghidella, au contraire, la voiture est au centre de l’entreprise, une divinité cruelle, vorace, volage et inconstante à laquelle toutes les ressources disponibles doivent être sacrifiées pour l’empêcher d’ouvrir les portes d’un enfer qu’aucune finance et aucune financier aurait pu fermer. Bien des années après l’effondrement des marchés boursiers et la propagation de la crise à une industrie automobile qui a vendu son âme à la finance, ils auraient pris sur eux d’indiquer sans l’ombre d’un doute laquelle des deux positions était la plus tournée vers l’avenir.