Après le flot de critiques multidirectionnelles qui l’ont submergé au cours de la saison, Michael Masi s’est retrouvé dans le pire rôle possible au pire moment possible. Une sorte de bouton blanc et de bouton rouge : en appuyant sur le premier il délivrait le huitième titre à Lewis Hamilton – par exemple, laissant la Safety Car en piste jusqu’à la ligne d’arrivée -, en appuyant sur le second, il permettait à Max Verstappen d’attaquer son rival – pas à armes égales – et de décoller pour son premier championnat du monde. Un pouvoir gigantesque entre les mains d’un seul homme, d’ailleurs continuellement tiré par la veste de Toto Wolff et Christian Horner au moment du choix décisif. Masi avait initialement opté pour une solution intermédiaire, proposant cinq tours pour servir de tampon entre les deux rivaux, interdisant aux voitures intermédiaires de récupérer des tours complets, mais par la suite n’autorisait que ces pilotes à se séparer, snobant – probablement pour des raisons de temps – tous les autres. De cette façon, il a créé une sorte de norme ad personam concéder le dernier duel entre Hamilton et Verstappen dans le dernier tour de la dernière course, empêchant sensiblement – par exemple – Sainz de suivre le Néerlandais. A ce moment là, il était clair que la victoire revenait au Néerlandais de Red Bull, dans une situation d’énorme avantage en termes de pneus (nouveaux Soft contre vieux Hard de plus de 40 tours).
Un pouvoir de course donné par Dieu, légitimé plus tard par l’article 15.3 qui a essentiellement éloigné la FIA et Red Bull de la plainte Mercedes. « Le Directeur de Course a l’autorité suprême sur : […] e) L’utilisation de la Safety Car ». Une règle qui – en pratique – prévaut sur tous les articles précédents et détaillés qui décrivent les procédures à effectuer derrière la voiture de sécurité. Michael Masi aurait pu décider pratiquement n’importe quoi à ce moment-là, légitimé par cette investiture du règlement sportif. Règlement qui – comme d’habitude – est déjà assez bizarre : l’article 48.12 par exemple dit que le SC doit rentrer à la fin du tour suite à la scission des pilotes, mais le 48.13 le surmonte en disant que le SC revient une fois le message exposé »Safety Car dans ce tour« . Et donc aussi le « Si le directeur de course […] envoie le message « les voitures doublées peuvent désormais dépasser » à tous les participants via le système officiel, « toute « voiture qui a été doublée par le leader pourra dépasser le leader du groupe et la Safety Car » (art.48.12) est démantelé par les Commissaires soulignant que « tout » (qui peut signifier « tout », mais aussi « certains ») ne veut pas dire « tous ». Il y a toujours une issue qui sauve les commissaires.
Il y a toujours une interprétation sur fond gris, bonne pour motiver presque n’importe quelle décision. Parfois la frontière est particulièrement instable, il peut donc arriver qu’en octobre 2020 l’article en question soit donné, par Michael Masi, une vision renversée. Scénario : GP de l’Eifel 2020. Au tour 44/60, Lando Norris s’arrête à la sortie de secours de la courbe Dunlop. La Safety Car entame le tour suivant, pour rester en piste pendant cinq tours. À la fin de la course, Max Verstappen s’est disputé avec la direction de course, affirmant que le SC n’entrait en piste que pour créer plus de spectacle, car un VSC aurait été plus que suffisant. Une autre ligne de critique avait interrogé Michael Masi sur la durée de la neutralisation, que beaucoup jugeaient excessive. La réponse de l’Australien a été claire et directe : « Il y a une exigence dans le règlement sportif, de les laisser tous passer (prononcé « tout », ndlr) les voitures doublées. Dix ou onze voitures ont dû se séparer et donc la Safety Car a duré plus longtemps que la normale ».
De toute évidence, on ne sait pas si cette interprétation a changé au cours des 14 derniers mois, mais il est certain qu’à ce moment-là, « tout » était devenu « tout » dans son application.
Dans tous les cas, l’article 15.3 donne à Michael Masi toute liberté. Une sorte de dieu de la course moderne, qui en fin de course, grâce à sa cape d’invincibilité 15.3, peut s’exclamer : « Ça s’appelle la course automobile » (« On les appelle les courses« , NDLR).