Audi arrive sur la ligne de départ du Dakar 2023 avec des attentes très différentes par rapport à la première édition, bien qu’elle n’apparaisse pas encore dans le rôle de favori. Cependant, le RS Q e-tron représente de loin le projet le plus ambitieux et intrigant parmi tous ceux qui participent au rallye raid le plus célèbre au monde. Avec une motorisation hybride et une motorisation tout électrique, la créature de la maison aux quatre anneaux fait partie des membres de la catégorie T1U, réservée aux véhicules propulsés par des technologies alternatives au seul moteur à combustion interne. Pour autant, Audi ne s’est jamais caché de vouloir aspirer à la victoire absolue, un objectif parfaitement à la portée du futuriste RS Q e-tron.
À première vue, la question pourrait se poser spontanément de savoir où réside la particularité d’un prototype hybride dans un paysage automobile de plus en plus électrifié, y compris le Championnat du Monde des Rallyes lui-même avec le nouveau Rally 1. La réponse réside dans les défis uniques offerts par le Dakar, qui font le différend raid avec un groupe motopropulseur hybride une véritable aventure d’ingénierie. En premier lieu, contrôle de la température c’est extrêmement complexe et crucial pour des composants comme les moteurs électriques et surtout les batteries, une tâche dont le succès est encore plus rédhibitoire dans une compétition qui se déroule dans le désert, avec des étapes de centaines de kilomètres et avec de fortes variations de température du jour à la nuit . A cela ils ajoutent problèmes de refroidissement pour les étapes de montagne, où la hauteur entraîne une raréfaction de l’air qui réduit sa capacité à évacuer la chaleur. Enfin, l’écriture d’un logiciel de gestion de l’énergie repose sur une approche totalement différente par rapport aux compétitions sur piste ou aux épreuves spéciales du rallye mondial de quelques dizaines de kilomètres, où la prévisibilité des scénarios permet une meilleure optimisation des stratégies de pilotage. Un raid comme le Dakar demande au contraire une approche souple, avec un logiciel optimisé mais en même temps capable de s’adapter aux innombrables scénarios qui peuvent survenir en termes de terrain, de vitesse, de températures et de durée du test. Enfin, mais non des moindres, il faut considérer la fiabilité requise pour des milliers de kilomètres sur terrain accidentéentre débris, sauts, eau et hautes températures, à un groupe motopropulseur bien plus complexe et délicat que les véhicules thermiques.
On comprend ainsi à quel point la campagne d’Audi au Dakar avec un prototype électrifié est audacieuse et unique. Le développement de la RS Q e-tron démarre en 2020, avec les premiers essais en 2021. En janvier 2022, la voiture dispute son premier Dakar, pour ensuite être mise à jour en septembre dans ce qui sera la configuration de l’édition 2023. Le groupe motopropulseur continue d’être composé de trois générateurs de moteurs électriques, dont un pour l’essieu avant, un pour les roues arrière et un pour la liaison entre le moteur à combustion interne et la batterie. En fait, le RS Q e-tron est né avec l’intention d’être un véhicule entièrement électrique, une ambition cependant irréalisable dans les scénarios désertiques du Dakar où il n’y a pas d’infrastructure de recharge. L’architecture choisie est donc celle d’un hybride série, où le moteur à combustion interne n’agit pas directement sur les roues, mais n’est présent que pour recharger la batterie au moyen du troisième générateur, qui convertit le travail mécanique du vilebrequin en énergie électrique. La batterie alimente à son tour les deux moteurs de traction, avec la puissance motrice qui est donc entièrement électrique.
Les moteurs électriques du RS Q e-tron dérivent directement de ceux développés par Audi pour ses monoplaces de Formule E de deuxième génération : les blocs MGU05. Le module de conduite se présente comme un bloc unique dans lequel un moteur électrique à aimants permanents à six phases, l’onduleur, le convertisseur DC et le circuit de refroidissement. A l’époque le tout était boxé dans un carter en fibre de carbone pour un poids total de 35 kg, un chiffre qui grimpe forcément sur le prototype pour le Dakar, compte tenu de l’intégration dans un même bloc de la boîte monovitesse et du différentiel à glissement limité, avec un cannage en aluminium. Le moteur électrique conserve cependant son 97 % d’efficacité maximale, avec une vitesse de rotation maximale de 20 000 tr/min. Le moteur de Formule E a délivré jusqu’à 250 kW de puissance, tandis que la puissance totale délivrée par les deux moteurs du RS Q e-tron est limitée par la réglementation à 263 kW. Ce surdimensionnement laisse à l’unité de commande une grande liberté dans la répartition du couple entre les deux essieux en fonction de l’adhérence du sol, permettant, si nécessaire, de concentrer la quasi-totalité de la puissance motrice à l’avant ou à l’arrière. Contrairement aux voitures de la concurrence, en effet, Audi n’a pas de différentiel central mécaniques’appuyant sur une répartition quasi illimitée du couple entre l’avant et l’arrière, pilotant directement les moteurs électriques des deux essieux.
Comme les générateurs de moteurs, aussi la batterie a été développée en interne par Audi en collaboration avec des partenaires externes. La batterie lithium-ion a une capacité de 52kWhune tension nominale de 800 volts et un poids de 370 kg. La batterie peut également être rechargée en roulant par le troisième générateur, lui-même entraîné par le moteur thermique, d’une puissance de 220 kW. En phase de recharge, le thermique travaille à puissance et vitesse constantes, permettant de centrer le point de travail avec une efficacité maximale, entre 4500 et 6000 tr/min. Le moteur est le TFSI utilisé sur les protagonistes Audi du DTM jusqu’en 2020, un quatre cylindres turbo de deux litres à injection directe. A l’époque, le moteur délivrait jusqu’à 580 chevaux pour un poids d’environ 85 kg et avec une pression de turbo de 3,5 bars absolus. Caractéristique à cet égard est le positionnement latéral de la turbine, avec une enveloppe particulière des conduits d’échappement. En prévision de son utilisation sur le Dakar, cependant, le moteur a été repensé dans les pistons, injecteurs et autres éléments, en fonction des contraintes thermiques et mécaniques du désert et de la nécessité d’optimiser le rendement dans une plage étroite de régimes moteur. La puissance ainsi libérée était plus que divisée par deux, mais à peine consommée 200 grammes de carburant pour chaque kilowattheure d’électricité produite. Le moteur est propulsé par un réservoir de 340 litres, « modeste » si on le compare aux 540 litres du Toyota Hilux, contenant un carburant composé à 80 % de composants durables, issus en grande partie d’éthanol obtenu à partir de biomasse non alimentaire.
Par rapport à la première version, le RS Q e-tron a évolué à bien des égards. Le logiciel de contrôle du moteur électrique a été optimisé, améliorant sa précision pour minimiser les pertes d’énergie liées par exemple à la rotation à vide des roues en cas de perte de contact avec le sol. L’aérodynamisme extérieur a été revu, abaisser le coefficient de traînée de 15 %. Même si la vitesse maximale reste limitée par la réglementation à 170 km/h, c’est tout de même une amélioration utile pour réduire la consommation. Le poids de la voiture a finalement été réduit et ramené à la valeur minimale réglementaire, égale à 2100 kilogrammes. Enfin, ils étaient stratégies optimisées de refroidissement de la cabine, désormais fonctionnant par intermittence, pour réduire encore les dépenses énergétiques. Dans l’ensemble, entre le logiciel, le poids, l’aérodynamique et les systèmes auxiliaires, le nouveau RS Q e-tron est nettement plus économe en carburant que son prédécesseur.
Le squelette reste le cadre en acier tubulaire avec la présence d’éléments structuraux en fibre composite carbone-Zylon. Le schéma de suspension à double triangulation active l’ensemble ressort-amortisseur, y compris un amortisseur à gaz réglable. Le système de freinage brake-by-wire gère la coopération entre le freinage récupératif, par les moteurs électriques, et la contribution apportée par le disques en acier auto-ventilés. Outre le Toyota Hilux, le Pneus BF Goodrich 37 pouces ils sont montés sur des roues de 17 pouces. Enfin, l’aérodynamisme extérieur est dominé par une imposante prise d’air sur le toit, suppléant ainsi à l’absence d’aérateurs latéraux dans l’habitacle, où trouvent leur place les deux roues de secours facilement accessibles.
Outre les difficultés déjà illustrées, Audi peut également compter sur de nombreux avantages découlant du groupe motopropulseur particulier du RS Q e-tron. L’absence d’un différentiel central et d’une boîte de vitesses à plusieurs rapports réduit le nombre de composants mécaniques qui pourraient potentiellement causer des problèmes de fiabilité. De plus, net de la sensibilité à la température, le groupe motopropulseur électrique n’est pas non plus affecté en termes de performances par les changements d’altitude, d’humidité et de pression atmosphérique, étant plus cohérent que ses rivaux thermiques. Les moteurs électriques ont également la couple maximal déjà à bas régimeun avantage sur terrain accidenté et qui sur asphalte permet au RS Q e-tron d’accélérer de 0 à 100 km/h en 4,5 secondes. La créature Audi ressemble à un véritable bijou d’ingénierie, mais pour être couronnée définitivement, elle devra d’abord remporter cette victoire tant convoitée sur le Dakar.