Entre une Formule 1 qui se tourne résolument vers le développement des carburants alternatifs et une Formule E qui avec l’annonce de la Gen4 vise un nouveau bond évolutif pour la technologie électrique, le monde de l’endurance choisit une troisième voie. Les débuts d’une classe hydrogène aux 24 Heures du Mans sont prévus pour 2026, avec l’intention de rejoindre les Hypercars actuelles et éventuellement de prendre leur place. Si par le passé la propulsion par pile à combustible était la seule option sur la table de la FIA et de l’ACO, les organisateurs s’ouvrent désormais aussi aux moteurs thermiques traditionnels alimentés à l’hydrogène. L’édition 2026 s’annonce comme l’une des plus pertinentes de tous les temps en raison de l’ampleur du défi technologique, mais plusieurs problèmes sont encore en cours de résolution.
Le thermique rejoint la pile à combustible
Lors de la conférence de presse du centenaire des 24 Heures du Mans, les organisateurs ont annoncé la coexistence de la pile à combustible et du moteur thermique dans la future classe hydrogène, dont les débuts sont désormais attendus en 2026. L’utilisation de l’hydrogène dans les moteurs thermiques suscite de plus en plus l’intérêt des grands constructeurs, vu comme une alternative possible pour prolonger la durée de vie du thermique après l’interdiction en Europe en 2035 des carburants fossiles pour les nouvelles immatriculations. De plus, contrairement aux biocarburants et aux essences synthétiques, la combustion de l’hydrogène est exempte de particules et de divers sous-produits carbonés, ce qui améliore la qualité de l’air dans les zones urbaines.
Cependant, l’industrie automobile porte également un grand intérêt à la propulsion par pile à combustible. Dans ce cas, l’hydrogène n’est pas brûlé à l’intérieur d’un moteur thermique, mais comprimé à l’intérieur des piles à combustible où il se recombine avec l’oxygène prélevé dans l’atmosphère. La réaction chimique libère de la vapeur d’eau, expulsé des tuyaux d’échappement, et de l’électricité qui peut ensuite être utilisée pour alimenter un ou plusieurs moteurs électriques, sans le poids et les coûts d’une grosse batterie. Cependant, la pile à combustible a la caractéristique de fournir une puissance constante, nécessitant ainsi le support d’une petite batterie à haute densité de puissance pour satisfaire la demande de pointe à l’accélérateur.
La classe hydrogène
La FIA et l’ACO n’ont pas fourni beaucoup d’informations sur la nouvelle classe hydrogène, si ce n’est qu’elle fera ses débuts au Mans en 2026. Il y a des rumeurs d’intérêt de la part de certains constructeurs, notamment Hyundai, et qui peuvent atteindre des performances en ligne avec les Hypercars actuelles. Les deux classes pourraient donc coexister voire fusionner en une seule catégorie, exploitant le même mécanisme BoP actuellement en vigueur.
L’ouverture aux moteurs thermiques à hydrogène soulève plusieurs questions quant à savoir si la future classe verra le même châssis pour tous les participants ou si les constructeurs pourront construire indépendamment une grande partie de la voiture. En effet, jusqu’à présent le développement de la classe hydrogène était confié au projet Mission H24, né d’une collaboration entre l’ACO et le Swiss GreenGT. Ce dernier travaille sur la construction de la transmission, des moteurs électriques et de la batterie, tandis que le développement des réservoirs est confié à Plastic Omnium. Selon les plans initiaux, la charpente serait réalisée en synergie entre Oreca et Technologies avancées Red Bulllaissant les constructeurs libres de concevoir la pile à combustible, le compresseur et le système de refroidissement.
Les propositions
La plateforme Mission H24 est née en vue d’une classe hydrogène censée accueillir uniquement les véhicules à pile à combustible. L’ouverture récente aux moteurs thermiques soulève maintenant des questions sur la façon dont le projet peut livrer une variante du châssis où installer des unités de combustion ou plutôt si les organisateurs ont l’intention de laisser le développement de l’ensemble de la voiture aux constructeurs entrants. Une autre option est celle de la coexistence, avec la plateforme Mission H24 à disposition des participants qui souhaitent l’utiliser, sans toutefois empêcher le développement d’un prototype entièrement en interne. Pour le moment, la FIA et l’ACO n’ont apporté aucune précision.
Le soupçon est que les plans de la classe hydrogène évoluent lentement d’une catégorie de châssis standard vers une catégorie de développement libre. En effet, à l’occasion des dernières 24 heures du Mans, Toyota a présenté son concept GR H2, visuellement différent de la plateforme Mission H24. Les spécifications techniques restent secrètes, mais la maison japonaise a fait savoir que le concept repose sur un groupe motopropulseur hybrideoù un système électrique supporte un moteur thermique à hydrogène.
Enfin, toujours à l’occasion du week-end du Centenaire, Bosch Engineering et Ligier ont présenté la JS2 H2. Il s’agit d’un prototype entièrement fonctionnel, équipé de 3 réservoirs développés par Hexagon Purus d’une capacité de 2,1 kg chacun, dans lesquels stocker de l’hydrogène à 700 bar. La voiture est également propulsée exclusivement par un moteur thermique, un V6 biturbo 3 litres de 570 chevaux et 650 Nm. Bien qu’étant des plates-formes de développement, le JS2 H2, le concept Toyota et la proposition Mission H24 montrent à quel point l’intérêt de l’industrie pour l’hydrogène est tangible sous toutes ses formes : pile à combustible, thermique et hybride.
Thème Fournitures
La possibilité que la classe hydrogène puisse rivaliser avec les Hypercars pour la victoire au général ne dépendra pas seulement des avancées technologiques à bord de la voiture. Baude Hugues, directeur technique de Solution F, entreprise impliquée dans le développement du ravitaillement en hydrogène depuis 2019, explique à FormulePassion comment les arrêts aux stands restent un défi majeur pour l’ingénierie : « Pouvoir mettre une station hydrogène dans le paddock est un cauchemar d’un point de vue sécurité. De plus, les réglementations varient d’un pays à l’autre, ce qui constitue une difficulté supplémentaire. Le premier objectif est d’installer stations-service dans chaque pays hôte du WEC. En plus de cela, nous voulons accélérer le ravitaillement pour le rendre comparable à celui du carburant traditionnel, autour de 50 secondes. C’est un vrai challenge. »
« D’un point de vue technique, nous sommes limités par les capacités de la machine », continua Hugues. « Nous attendons la prochaine génération [di Mission H24, ndr]. Pour le moment pour le ravitaillement nous sommes à environ 3 minutesce qui veut dire qu’on est loin de l’objectif des 50 secondes, mais c’est acceptable ». Une des solutions pour accélérer le ravitaillement est d’abaisser la température de l’hydrogène, de manière à augmenter son débit dans la tubulure de remplissage. Le défi, cependant, ne se situe pas principalement du côté de l’infrastructure, mais également du côté du véhicule. Hugue explique : « Le défi pour la voiture est de pouvoir effectuer un relais sans trop baisser la température dans le réservoir. Au fur et à mesure que le réservoir se vide, la température baisse, mais il y a une limite d’acceptabilité à cela ».
« Il existe différents types de réservoirs. Les deux premiers types sont métalliques et impossibles à installer à bord. Le troisième type est l’aluminium, tandis que le quatrième est le composite de carbone. Cependant, la molécule d’hydrogène est très petite. Le problème est un peu comme le revêtement d’une piscine qui casse si on le chauffe ou le refroidit trop. De même, si l’hydrogène refroidit trop, le réservoir est hors d’usage. » Alors que normalement le conducteur doit vérifier la quantité de carburant dans le réservoir, sur une voiture à hydrogène le conducteur doit également surveiller la pression et la température : « Le pilote doit vérifier combien de kg d’hydrogène il a encore à bord, mais aussi à quelle température et à quelle pression. Sur la base de ces valeurs, lorsque la station de ravitaillement est connectée, elle lit les paramètres de la machine et régule le débit d’hydrogène vers le réservoir ».
D’un point de vue réglementaire cependant, le travail des organisateurs part de l’Europe. L’objectif est d’abord de rendre possible le ravitaillement au Mans, puis d’étendre le tout aux autres circuits du championnat également. Cependant, il n’est pas encore clair si les circuits concernés devront se connecter à un réseau de canalisations d’hydrogène ou si à la place les réservoirs seront alimentés par des camions externes : « On peut imaginer avoir des camions hors circuit avec une connexion hydraulique dans les stands. Là, nous pourrions avoir un compresseur qui augmente la pression à 700 bar. ça peut être une solution », ajoute Hughes. L’arrivée de l’hydrogène dans la course la plus célèbre du monde représente certes un challenge passionnant, qui enrichit encore l’offre mancelle. À l’heure actuelle, cependant, de nombreux points restent en suspens, tant du point de vue de la faisabilité technique que de la liberté technique des participants.