Le Canada ne déçoit pas et, selon les normes de la saison 2023, offre une course divertissante. L’avantage de Red Bull sur la concurrence a été contenu tout en restant solide, devant une deuxième position disputée jusqu’au bout entre Alonso et Hamilton. Comme prévu, Ferrari confirme son aisance à Montréal et maximise le résultat après des qualifications difficiles, mais les signes de croissance viennent surtout de Mercedes. Alors que les poursuivants se bousculent pour combler l’écart, Red Bull écrit l’histoire. Milton Keynes atteint les 100 victoires, des chiffres importants qui, comme les 41 déclarations de Max Verstappen, invitent à la réflexion.
Le club des 100
Après l’événement canadien, cinq équipes ont remporté au moins 100 Grands Prix de Formule 1, tous actuellement en activité : Ferrari, McLaren, Williams, Mercedes et Red Bull. Les chiffres seuls ne suffisent pas à exprimer un jugement sur la meilleure équipe de tous les temps, en supposant qu’une puisse être élue, étant donné les grandes différences historiques et culturelles. Ferrari, McLaren et Williams incarnent l’âme historique de cette Formule 1, qu’il faut reconnaître pour sa capacité à ne pas être restée en cage à l’époque où elle est née, mais à avoir su suivre son temps et parfois anticiper son évolution, toujours implacable dans ce sport. Être un protagoniste de longue date du Cirque peut être un privilège, avec la possibilité de construire l’avenir sur les bases solides posées au fil des décennies de permanence dans la catégorie. Rester au sommet du sport, cependant, n’est jamais pris pour acquis, étant donné que le Cavallino est la seule équipe du trio à avoir remporté une course au cours de la dernière année civile et qu’en tout cas, tous les deux ans, continue de se battre pour les pole positions, les podiums et les victoires .
Red Bull et Mercedes, en revanche, sont les deux maîtres incontestés de l’ère contemporaine de la Formule 1. Tous deux affichent au moins un succès au cours des quatre derniers cycles techniques, signe d’équipes bien structurées dont la permanence dans les premières positions n’est pas touchés par les changements de réglementation. Brackley et Milton Keynes méritent d’être reconnus pour avoir ouvert la voie à une époque où la Formule 1 hyper-technologique, chère et professionnelle cela a été incroyablement difficile pour les équipes montantes.
Ensemble, le duo britannique a monopolisé toutes les Coupes du monde de 2010 à nos jours. En particulier, Mercedes a occupé un intermède important entre les deux époques Red Bull, broyant succès sur succès grâce aussi – mais pas seulement – à la supériorité de ses groupes motopropulseurs. La collaboration avec Renault et Honda a plutôt donné 11 lauriers aux championnats du monde à Milton Keynes, avec des échappements soufflés d’abord, puis le super PU japonais, mais en même temps, la dépendance à un partenaire externe était également un facteur limitant. 2026 pourrait être la dernière grande étape pour Red Bullse lançant dans la magnifique aventure de devenir ingénieur pour doubler et dépasser les 100 victoires déjà remportées.
Adrien magicien
Dans une Formule 1 où les équipes comptent des milliers d’employés, attribuer le succès d’une équipe à un seul chiffre serait un euphémisme. Et pourtant, on ne peut manquer de dire un mot sur Adrien Newey, symboliquement présent sur le podium au Canada après avoir mené Red Bull dans ses cent succès. Après la disparition de Mauro Forghieri, il a été dit qu’avec Furia, le dernier des ingénieurs polyvalents du sport automobile partait. Et pourtant, même avec une spécialisation irréprochable dans le domaine de l’aérodynamique, M. Newey a toujours maintenu une vision complète de la voiture, de l’intégration à la mécanique. Il ne répète pas assez à quel point son apport sur les dominantes RB18 et RB19 était avant tout sur les suspensions.
Adrian Newey fait ses armes de son expérience et de son bagage culturel, sans toutefois y rester lié. Au contraire, la grandeur de l’ingénieur britannique réside précisément dans sa capacité à s’adapter aux différentes époques et aux défis technologiques rencontrés en tant que protagoniste de la Formule 1. La même expérience passée avec les voitures à effet de sol des années 1980 aurait pu être une épée à double tranchantétant donné que, comme l’ont observé certains techniciens, les monoplaces actuelles n’ont plus grand-chose à voir avec leurs ancêtres.
Red Bull avec point d’interrogation
Pour en revenir au Grand Prix du Canada, pour tirer quelques conclusions sur l’évolution du rapport de force il convient de le prendre comme référence précédente la tappa à Bakou. Malgré les différences dues, la piste azerbaïdjanaise est celle qui se rapproche le plus de la piste canadienne : plus limitante pour l’essieu arrière, avec une charge aérodynamique moyenne-faible et principalement des virages à courte distance. La principale différence au Canada réside dans la présence de larges bordures et dépressions, qui imposent un compromis de travail avec la raideur des suspensions.
C’est précisément cet aspect qui appelle à la prudence en commentant un rapprochement entre Red Bull et ses poursuivants. Après 54 tours sous drapeau vert, l’avance de Verstappen sur la ligne d’arrivée était d’environ 10 secondes, tandis que il n’était jamais descendu en dessous de 20 secondes auparavant. Difficile de dire à quel point la concurrence a progressé dans la manche et à quel point Milton Keynes n’a pas parfaitement interprété la structure. Déjà vendredi le RB19, bas et rigide de naissance, n’allait pas bien avec les vibreurs à Montréal et la dispute des essais libres de samedi sous la pluie nous a empêché de peaufiner encore mieux le set-up.
Mercedes est la vraie surprise
Sur une piste théoriquement conviviale où la recherche de l’équilibre était plus facile, Ferrari affichait un excellent rythme en pneus médiums. Cependant, dans le dernier relais sur une gomme dure, avec le même pneu que l’Aston Martin, l’écart entre Leclerc et Alonso reste quasiment inchangé, l’Espagnol étant également contraint de gérer sa propre voiture. Déjà à Bakou, Ferrari a montré un rythme en ligne avec celui d’Aston Martin dans la finale, voire légèrement pire, décrivant un rapport de force très similaire au Canada. Les propos de Leclerc résument parfaitement le week-end des Reds : les sensations sont encourageantes, mais le jugement reste en suspens compte tenu de la spécificité de la piste, très proche de la SF-23 par nature.
Mercedes dénote un manque de rythme dans la partie centrale de la course, pour reprendre vie en finale. L’impression est que dans ce contexte les pneus medium ont aidé, face à un Alonso qui, en plus d’être managé, utilisait un composé dur apparemment peu rentable. En gros, à Montréal Mercedes oscille entre la troisième et la quatrième force sur le col. Pourtant, l’écurie Brackley est celle qui dénote les plus grands progrès.
Les pistes arrière limitées, c’est-à-dire les pistes qui mettent l’accent sur la stabilité du train arrière, étaient les plus redoutées par la W14 en début d’année, qui luttait constamment contre le survirage. Cependant, alors qu’à Bakou, l’écart entre Hamilton et le duo Leclerc-Alonso était de 25 secondes, au Canada, le retard de la première Aston Martin n’était que de 5 secondes. Le nouveau W14 est en effet beaucoup plus stable au freinage et est également capable de mieux gérer les températures des pneus arrière. Le nouveau package corrige vraiment les défauts de Mercedes, confirmant que le double podium à Barcelone n’était pas uniquement le résultat de la piste amicale. A l’inverse, la date marquée en rouge sur le calendrier Ferrari pour affronter ses fantômes est le Grand Prix de Silverstone.