La grille Hypercar 2023 était un régal pour les yeux, un peu moins une Sebring Mille Miglia dominée par Toyota, dans une course qui nous a néanmoins offert une bagarre amusante pour le podium. Cependant, si l’attente du plaisir est elle-même du plaisir, les débuts du WEC en Floride ont donné des raisons de se réjouir. En effet, sur l’une des pistes les plus difficiles au monde pour la fiabilité, les débutantes ont tiré sans problème. Ferrari, Cadillac et Porsche plus détachées affichent un certain écart de rythme par rapport à Toyota, mais tout sauf infranchissable. Ce n’est qu’une question de temps avant que les challengers n’atteignent le niveau des champions du monde, qui ont entre-temps montré quelque chose d’extraordinaire à Sebring.
Rançon Toyota
Les GR010 ont été les seules Hypercars d’usine à concourir en WEC ces dernières saisons, accumulant les victoires. Un succès partiellement discrédité par une tranche du public, qui a fait remarquer que l’entreprise japonaise fonctionnait en fait sans rivaux. A Sebring, Toyota prend enfin sa revanche et pas tant pour l’épreuve de force écrasante contre des rivaux qui, nets des armoiries, sont encore des recrues. C’est plutôt impressionnant la croissance exprimée par le GR010 sur la même piste par rapport à il y a un an, améliorant son temps de qualification de près de quatre secondes et sa meilleure passe en course de deux secondes et demie. La Toyota de 2022 n’aurait pas eu la tâche facile face à cette Ferrari et cette Cadillac, mais la valeur de l’écurie japonaise réside justement dans sa capacité à progresser sans relâche. A Sebring la nouvelle Balance des Performances, désormais établie selon un critère plus scientifique, a diminué le poids des GR010 de 8 kilos et augmenté leur puissance de 15 chevaux depuis la dernière édition, mais le gain imputable au seul BoP est moindre qu’une seconde. Les variables des nouveaux pneus et des conditions de piste demeurent, mais une partie des progrès de Toyota peut être attribuée à une voiture mise à jour, dont la répartition du poids a été corrigée. Cependant, le principal mérite revient à la meilleure compréhension des réglages, l’équipe étant désormais beaucoup plus consciente de la voiture, de l’équilibre et des réglages les plus efficaces pour extraire son potentiel.
Tout cela permet à Toyota de se confirmer au sommet malgré un projet loin d’être optimisé pour la réglementation en vigueur. En fait, lorsque les bases du GR010 ont été posées, la réglementation Hypercar prévoyait un poids minimum de 70 kilos de plus et la possibilité d’exploiter les quatre roues motrices déjà dans les virages, à partir de vitesses beaucoup plus faibles. Ferrari, Peugeot, Cadillac et Porsche ont su prendre en compte le changement dès la phase de conception, tandis que Toyota n’a pu faire qu’adopter des choix de compromis.
Les secondes gagnées par les GR010 grâce à des réglages sur douze mois témoignent à quel point l’expérience est un avantage, confirmant Toyota comme le favori. Attribuer le succès de Sebring à une BoP déséquilibrée en leur faveur serait un euphémisme et injuste. Même dans le peloton LMP2, avec des voitures identiques les unes aux autres, des écarts considérables se dessinent en course. C’est un signe de la façon dont la préparation, la mise en place et la configuration jouent toujours un rôle central dans l’endurance.
Equilibrio Hypercar – LMDh
La dernière marche du podium a fait l’objet d’une bataille à trois entre Ferrari, Cadillac et Porsche. Les 963 ont en fait montré un manque de rythme de la part des deux rivaux, mais l’équipe Penske a le mérite d’être restée en lice grâce à une course propre, sans erreurs stratégiques, accidents ou pénalités. Au terme des huit heures, le retard des poursuivants des deux Toyota dépasse les deux tours, un résultat attendu à la veille de la course et qui ne crée pas d’alarmes pour la suite. En effet, la 499P et la Cadillac V-Series.R n’étaient pas loin du rythme maintenu par Toyota sur la même piste il y a un an, et il est logique de penser que Ferrari et Cadillac ont un potentiel plus inexploité par rapport à GR010, maintenant dans sa troisième saison. Le troisième et le quatrième des deux constructeurs, qui font leurs débuts et sur une piste d’essai comme Sebring, sont tout aussi extraordinaires : huit heures de roulage sans problème de fiabilité et avec une base de compétitivité convaincante. Porsche était également à l’abri des pannes, un pas en avant par rapport aux 24 Heures de Daytona où certains composants de fournisseurs extérieurs avaient posé trop de problèmes.
Rétrospectivement, la vie de Ferrari s’est compliquée en s’arrêtant tôt au départ sous la voiture de sécurité, ce qui a laissé la route libre aux Toyota. Le résultat n’aurait certainement pas changé, mais la #50 aurait au moins pu mettre plus de pression sur les GR010. Dans l’ensemble, la 499P s’est avérée être une voiture fiable et surtout très rapide, comme le confirme la pole position. Sur des pneus neufs le rouge a beaucoup d’adhérence, alors qu’il y a du travail à faire sur l’équilibre et la suspension pour gérer correctement les pneumatiques. Bien que Sebring ne soit pas très abrasif, l’usure des pneus était le principal problème de Ferrari. Calado a parlé d’un week-end difficile et d’un manque de rythme, mais a également affirmé savoir pourquoi. L’impression est que le Cavallino sait déjà dans quelle direction procéder pour continuer à s’améliorer.
Cadillac accusait en revanche un léger retard dans les performances absolues, mais la grande docilité des pneumatiques lui permettait de se rapprocher de la 499P en fin de relais. En regardant aussi le week-end IMSA, Cadillac est apparu en meilleure forme que Daytona, bien qu’il soit difficile de dire combien le mérite revient à une piste similaire et combien la voiture a grandi. Comme on l’a également vu lors des 24 heures de janvier, Porsche a encore du pain sur la planche pour se hisser au niveau de rival avec les châssis Dallara. La comparaison entre les plateformes Hypercar et LMDh prend donc Ferrari et Cadillac comme références, qui ont toutes deux la même expérience avec leurs voitures respectives. L’impression qui en résulte est que la FIA et l’ACO ont fait du bon travail en équilibrant deux types de voitures si différents.
Waterloo Peugeot
Plus encore que le podium Ferrari et la quatrième place Cadillac, la huitième place est extraordinaire Vanwall. Le manque de rythme était notable, mais on parle d’une voiture qui a connu son shakedown en octobre et qui était également pilotée par une équipe aux moyens limités. Le Vanderwell 680 tournait sans problème, contrairement à d’autres confrères plus célèbres, avec pour seul inconvénient la suspension qui cédait sur les bosses impardonnables. En revanche, celui qui a complètement fait naufrage, c’est Peugeot, surtout en présence du grand patron de Stellantis lui-même, Carlos Tavares. Le sentier de la Floride était le pire scénario pour 9X8, avec les nombreuses bosses qui ont pénalisé la génération de charge par le bas, sur laquelle Peugeot s’appuie encore plus que ses rivaux en raison de l’absence d’aileron arrière. Plus que la compétitivité, c’est toutefois la fiabilité qui est à l’honneur, avec des problèmes répétés de boîte de vitesses et d’hybride, dont certains avant même le départ. Le projet de la maison française comporte des lacunes sur plusieurs fronts et si elles ne sont pas comblées, la permanence même du WEC risque de ne plus être justifiée par le conseil d’administration de Stellantis.
Le Championnat du Monde quitte la Floride en sachant que Sebring est une piste atypique du calendrier. Le prochain rendez-vous à Portimao permettra de mieux préciser quelles sont les valeurs réelles et surtout les lacunes dans le domaine et combien les nouveaux entrants auront déjà pu se rapprocher de Toyota.