A chacun son style : Stefano Domenicali il a dit au revoir à la Ferrari autour d’une pizza (maintenant je ne sais plus si avec du jambon, des champignons ou les deux) partagée avec un ami à Castelnuovo Rangone. « Je démissionne » sa phrase citée à l’époque « pour ne pas lui donner la satisfaction de me tuer ». Le salut de Marco Mattiacci (revu sur la grille de départ à Abu Dhabi, qui sait quoi faire) était en quelque sorte plus orageux mais largement annoncé, étant donné que l’arrivée de Maurice Arrivabène. Qui, le moment venu, a quitté GeS sur la pointe des pieds, quelques jours avant Noël, me laissant un message émouvant et sibyllin et un ensemble de cactus aux couleurs lysergiques dans le bureau qu’il ne voulait plus jamais revoir. Le dernier acte de la venait d’être consommé face à face qui l’a vu opposé à Mattia Binotto et John Elkann avait choisi (ses mots) la stabilité de la partie technique. Bien que je soupçonne que Louis Camilleri, alors PDG du Cavallino, avait depuis longtemps déchargé son ancien collègue en Phillip Morris, se laissant convaincre par les projets de Binotto.
Et maintenant c’est au tour de Mattia. Ferrari ne se renie pas, fermant un cycle à l’avance. Mais comparé à ses prédécesseurs, le Reggiano Bifronte (un autre de ses nombreux surnoms) bénéficie d’un « toboggan » que même l’Aquapark ne possède pas. Ces derniers jours, à Gestione Sportiva, nous avons continué à travailler comme si rien n’avait changé. Et en fait, rien ne changera pendant un certain temps, du moins selon le communiqué de presse de l’entreprise de ce matin. Le dernier paragraphe semble un peu effrayant : « Le processus d’identification du nouveau Team Principal de la Scuderia Ferrari commence maintenant, qui devrait se terminer dans la nouvelle année”. J’espère que c’est le processus et non le chef d’équipe qui se termine, mais il n’y a pas de date fixe: et que « commencer maintenant » réaffirme que, jusqu’à présent, il n’y a pas eu de mesures décisives. Nous renvoyons d’abord Binotto, puis nous lui trouvons un successeur.
Il est clair que Ferrari n’est pas obligée de révéler ses mouvements sous-marins au monde. Aussi bien que Benoît Vigna, le directeur général, n’est pas tenu de dire quelles étaient ses relations réelles avec le dirigeant non délégant. Aucun communiqué de presse ne rapportera jamais le procès-verbal de la réunion post-Hongrie, dans laquelle Vigna, me dit-on, a demandé sèchement à Mattia « Pourquoi étions-nous les seuls sur la piste avec des pneus durs ? » et partit sans attendre de réponse. Personne ne rechignera sur l’absence d’un mot d’accueil pour Binotto de la Présidence : J.Elkann, on le sait tous, est désormais occupé sur un autre front et avec d’autres démissions, celles en bloc de la Juventus CDA. Mais une considération, triviale comme vous voudrez, s’impose : parmi les devoirs d’un manager, en l’occurrence d’un directeur d’équipe, il y a celui de préparer une ligne de succession. Arrivabene l’avait fait, identifiant même un nom (que je ne vous dirai pas car je ne l’ai jamais connu).
Evidemment le dernier TP ne l’a pas fait, peut-être trop occupé à ranger les crocodiles dans les douves autour de sa chaise. C’est un mal d’entreprise et un mal italien, mais cela n’aide pas Ferrari. Instinctivement, aux premières rumeurs de fermeture de la relation avec Mattia, tout le monde a tourné le regard vers l’extérieur : Ross Brawn arrive (encore une démission récente), Horner arrive, Vasseur ou le Père Noël arrive. Nous regardons la concurrence car l’hypothèse d’un réaménagement interne, comme cela s’est produit avec le relais Todt-Domenicali, n’est pas considérée comme crédible. Le second dans la lignée hiérarchique, après Binotto, aurait été Laurent Mekies, qui, s’il le souhaite, aurait également une expérience en FIA, utile pour un TP, mais pour autant que je sache, cela n’a jamais été pris en considération. Et puis il y a les synergies avec les équipes satellites : l’opération Sauber est fumeuse, les relations avec Haas sont plus linéaires. Je ne serais pas surpris si en 2023 il y avait des mouvements dans les deux sens, vers et depuis GeS, mais on parle toujours de techniciens et de personnel sur le mur. Et en attendant, Ferrari continuera jusqu’à la fin de l’année, comme initialement prévu, avec un team principal évincé de facto mais avec fonctions de commandement intérimaire. Ce sera peut-être bon pour l’ego de la personne concernée, moins pour l’équipe. Je ne pense pas que nous arriverons au début de la saison 2023 avec cette situation, mais je ne voudrais pas non plus que l’hypothèse d’un directeur d’équipe pro tempore Benedetto Vigna se concrétise. Ce n’est pas, j’ose le dire, son travail.